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On n'aime plus personne dès qu'on aime. Notre mémoire et notre cœur ne sont pas assez grands pour pouvoir être fidèles. Une femme qu'on aime suffit rarement à tous nos besoins et on la trompe avec une femme qu'on n'aime pas. Ce ne sont pas les êtres qui existent réellement, mais les idées. Quant au bonheur, il n'a presque qu'une seule utilité, rendre le malheur possible. Certains philosophes disent que le monde extérieur n'existe pas et que c'est en nous-même que nous développons notre vie. Les vrais paradis sont les paradis qu'on a perdus. Nous ne savons jamais si nous ne sommes pas en train de manquer notre vie. Je savais très bien que mon cerveau était un riche bassin minier, où il y avait une étendue immense et fort diverse de gisements précieux. Mais aurais-je le temps de les exploiter ? Le devoir et la tâche d'un écrivain sont ceux d'un traducteur. Un milieu élégant est celui où l'opinion de chacun est faite de l'opinion des autres. Le sens artistique est soumission à la réalité intérieure. On a tort de parler en amour de mauvais choix, puisque dès qu'il y a choix il ne peut être que mauvais. C'est d'ailleurs le propre de l'amour de nous rendre à la fois plus défiants et plus crédules. On trouve innocent de désirer et atroce que l'autre désire. Les plats se lisent et les livres se mangent. Le véritable voyage de découverte ne consiste pas à chercher de nouveaux paysages, mais à avoir de nouveaux yeux. Laissons les jolies femmes aux hommes sans imagination. Le bonheur est salutaire pour les corps, mais c'est le chagrin qui développe les forces de l'esprit. Les hommes peuvent avoir plusieurs formes de plaisirs. Le véritable est celui pour lequel ils quittent l’autre. Une heure n'est pas qu'une heure, c'est un vase rempli de parfums, de sons, de projets et de climats. • Un homme qui dort tient en cercle autour de lui le fil des heures, l'ordre des années et des mondes. • Dire que j'ai gâché des années de ma vie, que j'ai voulu mourir (...) pour une femme qui ne me plaisait pas, qui n'était pas mon genre. • Un mariage d'amour, c'est-à-dire fait par amour, y serait considéré comme une preuve de vice. • Ce sont nos passions qui esquissent nos livres, le repos d'intervalle qui les écrit. • Les plats se lisent et les livres se mangent. • C'est là en effet un des grands et merveilleux caractères des beaux livres que pour l'auteur ils pourraient s'appeler "Conclusions" et pour le lecteur "Incitations". • Il n'y a guère que le sadisme qui donne un fondement dans la vie à l'esthétique du mélodrame. • A partir d'un certain âge, nos amours, nos maîtresses sont filles de notre angoisse. • Souvent, vous le savez, on dit d'un grand artiste : à côté de son génie, c'était une vieille bête qui avait les idées les plus étroites. • La beauté des êtres n'est pas comme celle des choses. Nous sentons qu'elle est celle d'une créature unique, consciente et volontaire, • Les choses éclatantes, on ne les fait généralement que par à-coups. • Les beautés qu'on découvre le plus tôt sont aussi celles dont on se fatigue le plus vite. • On ne connaît pas son bonheur. On n'est jamais aussi malheureux qu'on croit. • Ce n'est pas parce que les autres sont morts que notre affection pour eux s'affaiblit, c'est parce que nous mourrons nous-mêmes, • La photographie acquiert un peu de la dignité qui lui manque, quand elle cesse d'être une reproduction du réel et nous montre des choses qui n'existent plus. • La manière chercheuse, anxieuse, exigeante, que nous avons de regarder la personne que nous aimons rend notre attention en face de l'être aimé trop tremblante pour qu'elle puisse obtenir de lui une image bien nette. • La photographie acquiert un peu de la dignité qui lui manque, quand elle cesse d'être une reproduction du réel et nous montre des choses qui n'existent plus. • On découvre au téléphone les inflexions d'une voix qu'on ne distingue pas tant qu'elle n'est pas dissociée d'un visage où on objective son expression. • Dans une langue que nous savons, nous avons substitué à l'opacité des sons la transparence des idées, • Autrefois on rêvait de posséder le cÏur de la femme dont on était amoureux ; plus tard, sentir qu'on possède le cÏur d'une femme peut suffire à vous en rendre amoureux. • Une parole de celle que nous aimons ne se conserve pas longtemps dans sa pureté ; elle se gâte, se pourrit. • Peut-être l'immobilité des choses autour de nous leur est-elle imposée par notre certitude que ce sont elles et non pas d'autres, par l'immobilité de notre pensée en face d'elles. • Chaque être est détruit quand nous cessons de le voir ; puis son apparition suivante est une création nouvelle, différente de celle qui l'a immédiatement précédée, sinon de toutes. • Ce ne sont pas les êtres qui existent réellement, mais les idées. • Le chagrin est égoïste, et ne peut recevoir de remède de ce qui ne le touche pas. • Quand on se voit au bord de l'abîme et qu'il semble que Dieu vous ait abandonné, on n'hésite plus à attendre de lui un miracle, • Les créatures qui ont joué un grand rôle dans notre vie, il est rare qu'elles en sortent tout d'un coup d'une façon définitive. • Un peu d'albumine, de sucre, d'arythmie cardiaque, n'empêche pas la vie de continuer normale pour celui qui ne s'en aperçoit même pas, alors que seul le médecin y voit la prophétie de catastrophes. • Cela fait souvent de la peine de penser. • Nous pouvons causer pendant toute une vie sans rien dire que répéter indéfiniment le vide d'une minute. • Une religion parle d'immortalité, mais entend par là quelque chose qui n'exclut pas le néant. • La durée moyenne de la vie est beaucoup plus grande pour les souvenirs des sensations poétiques que pour ceux des souffrances du cÏur. • Ce n'est pas à un autre homme intelligent qu'un homme intelligent aura peur de paraître bête. • La force qui fait le plus de fois le tour de la terre en une seconde, ce n'est pas l'électricité, c'est la douleur, • On ne profite d'aucune leçon parce qu'on ne sait pas descendre jusqu'au général et qu'on se figure toujours se trouver en présence d'une expérience qui n'a pas de précédents dans le passé. • Les images choisies par le souvenir sont aussi arbitraires, aussi étroites, aussi insaisissables, que celles que l'imagination avait formées et la réalité détruites, • Que de bonheurs possibles dont on sacrifie ainsi la réalisation à l'impatience d'un plaisir immédiat. • Nos désirs vont s'interférant et, dans la confusion de l'existence, il est rare qu'un bonheur vienne justement se poser sur le désir qui l'avait réclamé, • La louange la plus haute de Dieu est dans la négation de l'athée qui trouve la Création assez parfaite pour se passer d'un créateur, • La permanence et la durée ne sont promises à rien, pas même à la douleur. • Nous n'arrivons pas à changer les choses suivant notre désir, mais peu à peu notre désir change. • L'amour, même en ses plus humbles commencements, est un exemple frappant du peu qu'est la réalité pour nous, • On ne peut regretter que ce qu'on se rappelle, • La détermination dans notre imagination des traits d'un bonheur tient plutôt à l'identité des désirs qu'il nous inspire qu'à la précision des renseignements que nous avons sur lui. • L'instinct d'imitation et l'absence de courage gouvernent les sociétés comme les foules, • On a dit que la beauté est une promesse de bonheur. Inversement la possibilité du plaisir peut être un commencement de beauté, • Le souvenir d'une certaine image n'est que le regret d'un certain instant, • Il y a des moments de la vie où une sorte de beauté naît de la multiplicité des ennuis qui nous assaillent, • Si tranquille qu'on se croie quand on aime, on a toujours l'amour dans son coeur en état d'équilibre instable, • C'est parce qu'ils contiennent ainsi les heures du passé que les corps humains peuvent faire tant de mal à ceux qui les aiment. • Notre mémoire et notre coeur ne sont pas assez grands pour pouvoir être fidèles, • La jeunesse une fois passée, il est rare que l'on reste confiné dans l'insolence. • La générosité n'est souvent que l'aspect intérieur que prennent nos sentiments égoïstes quand nous ne les avons pas encore nommés et classés. • Nous localisons dans le corps d'une personne toutes les possibilités de sa vie, le souvenir des êtres qu'elle connaît et qu'elle vient de quitter, ou s'en va rejoindre. • De même que les peuples ne sont pas longtemps gouvernés par une politique de pur sentiment, les hommes ne le sont pas par le souvenir de leur rêve, • Le regret est un amplificateur du désir. • Pour le baiser nos narines et nos yeux sont aussi mal placés que nos lèvres mal faites. • Nous sommes attirés par toute vie qui nous représente quelque chose d'inconnu, par une dernière illusion à détruire, • Il vaut mieux ne pas savoir, penser le moins possible, ne pas fournir à la jalousie le moindre détail concret. • Les années heureuses sont les années perdues, on attend une souffrance pour travailler. • On se souvient d'une atmosphère parce que des jeunes filles y ont souri. • Sous toute douceur charnelle un peu profonde, il y a la permanence d'un danger. • Savoir qu'on n'a plus rien à espérer n'empêche pas de continuer à attendre. • Il est faux de croire que l'échelle des craintes correspond à celle des dangers qui les inspirent. On peut avoir peur de ne pas dormir et nullement d'un duel sérieux, d'un rat et pas d'un lion. • La jalousie finit ainsi faute d'aliments et n'a tant duré qu'à cause d'en avoir réclamé sans cesse. • Ne pas la comprendre n'a jamais fait trouver une plaisanterie moins drôle. • L'accouplement des éléments contraires est la loi de la vie, le principe de la fécondation, et comme on verra, la cause de bien des malheurs. • On déteste ce qui nous est semblable, et nos propres défauts vus du dehors nous exaspèrent. • La souffrance dans l'amour cesse par instants, mais pour reprendre d'une façon différente. • La maladie est le plus écouté des médecins : à la bonté, au savoir on ne fait que promettre ; on obéit à la souffrance. • L'été se marque non moins par ses mouches et moustiques que par ses roses et ses nuits d'étoiles... • Les gens du monde ont tellement l'habitude qu'on les recherche que, qui les fuit, leur semble un phénix et accapare leur attention, • Le nez est généralement l'organe où s'étale le plus aisément la bêtise. • Les maximes les plus profondes sont celles où la pensée semble la plus indépendante des mots et de leur aménagement, • Un milieu élégant est celui où l'opinion de chacun est faite de l'opinion des autres. Est-elle faite du contre-pied de l'opinion des autres ? C'est un milieu littéraire, • La nature ne semble guère capable de donner que des maladies assez courtes. Mais la médecine s'est annexée l'art de les prolonger. • Nous trouvons de tout dans notre mémoire. Elle est une espèce de pharmacie, de laboratoire de chimie, où on met au hasard la main tantôt sur une drogue calmante, tantôt sur un poison dangereux, • Pour que les choses paraissent nouvelles, si elles sont anciennes, et même si elles sont nouvelles, il faut, en art, comme en médecine, comme en mondanité, des noms nouveaux, • De profession à profession, on se devine, et de vice à vice aussi. • Autrui nous est indifférent et l'indifférence n'incline pas à la méchanceté. • La vraie beauté est si particulière, si nouvelle, qu'on ne la reconnaît pas pour la beauté, • Jamais Noé ne put si bien voir le monde que de l'arche malgré qu'elle fut close et qu'il fit nuit sur la terre. • Par l'art seulement nous pouvons sortir de nous-mêmes, • Les hommes peuvent avoir plusieurs sortes de plaisirs. Le véritable est celui pour lequel ils quittent l'autre. • Le sens critique est soumission à la réalité intérieure. • L'irresponsabilité aggrave les fautes, • On refuse dédaigneusement, à cause de ce qu'on aime aujourd'hui, de voir ce qu'on aimera demain. • Le plaisir de l'habitude est souvent plus doux encore que celui de la nouveauté. • L'érudition est une fuite loin de notre propre vie que nous n'avons pas le courage de regarder en face. • L'ambition enivre plus que la gloire. • Un même fait porte des rameaux opposites et le malheur qu'il engendre annule le bonheur qu'il avait causé. • On ne supporte pas toujours bien les larmes qu'on fait verser. • En réalité, chaque lecteur est, quand il lit, le propre lecteur de soi-même, • Ceux qui aiment et ceux qui ont du plaisir ne sont pas les mêmes. • Les charmes d'une personne sont une cause moins fréquente d'amour qu'une phrase du genre de celle-ci : Non, ce soir je ne serai pas libre... • Aimer ses parents c'est prendre sur soi, agir par sa volonté pour leur faire plaisir, • Les enfants ont toujours une tendance soit à déprécier, soit à exalter leurs parents. • On peut tout ce qui ne dépend que de notre volonté. • Il est doux à tout âge de se laisser guider par la fantaisie. • Les vrais paradis sont les paradis qu'on a perdus. • Rien n'est plus limité que le plaisir et le vice, • L'idée qu'on mourra est plus cruelle que mourir, mais moins que l'idée qu'un autre est mort. • Ce qui rapproche, ce n'est pas la communauté des opinions, c'est la consanguinité des esprits. • Tout comme l'avenir, ce n'est pas tout à la fois, mais grain par grain que l'on goûte le passé. • Quand on travaille pour plaire aux autres on peut ne pas réussir, mais les choses qu'on a faites pour se contenter soi-même ont toujours une chance d'intéresser quelqu'un. • Une oeuvre où il y a des théories est comme un objet sur lequel on laisse la marque du prix, • Il y a quelque chose plus difficile encore que de s'astreindre à un régime, c'est de ne pas l'imposer aux autres. • On est impuissant à trouver du plaisir, quand on se contente de le chercher. • La vérité suprême de la vie est dans l'art. • L'amour le plus exclusif pour une personne est toujours l'amour d'autre chose. • Il n'est de souvenir douloureux que des morts. Or ceux-ci se détruisent vite, et il ne reste plus autour de leurs tombes mêmes que la beauté de la nature, le silence, la pureté de l'air. • Une heure n'est pas qu'une heure, c'est un vase rempli de parfums, de sons, de projets et de climats. • Votre rêve le plus ardent est d'humilier qui vous a offensé. Mais si vous n'entendez plus jamais parler de lui, ayant changé de pays, votre ennemi finira par ne plus avoir pour vous aucune importance. • L'habitude est une seconde nature, elle nous empêche de connaître la première dont elle n'a ni les cruautés, ni les enchantements, • Toute action de l'esprit est aisée si elle n'est pas soumise au réel. • On peut quelquefois retrouver un être mais non abolir le temps. • Passé un certain âge, la mort de nos proches est la seule manière dont nous prenons agréablement conscience de notre existence. • Pour une femme tout événement, même un deuil, se termine par un essayage. • Les vivants ne sont que des morts qui ne sont pas encore entrés en fonction. • Il n'y a qu'une chose vraiment infâme, qui déshonore la créature que Dieu a faite à son image, le mensonge. • L'être que je serai après la mort n'a pas plus de raisons de se souvenir de l'homme que je suis depuis ma naissance que ce dernier ne se souvient de ce que j'ai été avant elle. • Nous disons la mort pour simplifier, mais il y en a presque autant que de personnes, • Les passions sont comme des bibliothèques où le vulgaire séjourne sans connaître les trésors qu'elles contiennent. • Le moi profond reste le meilleur des masques antirides. • Le véritable voyage de découverte ne consiste pas à chercher de nouveaux paysages, mais à avoir de nouveaux yeux. • On n'aime plus personne dès qu'on aime, • Les oeuvres, comme dans les puits artésiens, montent d'autant plus haut que la souffrance a plus creusé le coeur. • Il vaut mieux rêver sa vie que la vivre, encore que la vivre, ce soit encore la rêver. • L'instinct dicte le devoir et l'intelligence fournit des prétextes pour l'éluder. • Avoir un corps, c'est la grande menace pour l'esprit, • Le mal seul fait remarquer et apprendre et permet de décomposer les mécanismes que sans cela on ne connaîtrait pas, • Il n'est pas certain que le bonheur survenu trop tard... soit tout à fait le même que celui dont le manque nous rendait jadis si malheureux. • Souvent les femmes ne nous plaisent qu'à cause du contrepoids d'hommes à qui nous avons à les disputer, • Le témoignage des sens est, lui aussi, une opération de l'esprit où la conviction crée l'évidence. • Un livre est un grand cimetière où, sur la plupart des tombes, on ne peut plus lire les noms effacés, • La constance d'une habitude est d'ordinaire en rapport avec son absurdité, • Un nom, c'est bien souvent tout ce qui reste pour nous d'un être non pas même quand il est mort, mais de son vivant. • Dans l'homme le plus méchant, il y a un pauvre cheval innocent qui peine. • Nous tenons de notre famille aussi bien les idées dont nous vivons que la maladie dont nous mourrons. • Ce qu'on appelle se rappeler un être est en réalité l'oublier. • Nous sommes tous obligés, pour rendre la réalité supportable, d'entretenir en nous quelques petites folies, • La douleur est un aussi puissant modificateur de la réalité que l'ivresse. • Les choses dont on parle le plus souvent en plaisantant sont généralement celles qui ennuient, mais dont on ne veut pas avoir l'air ennuyé. • Une femme qu'on aime suffit rarement à tous nos besoins et on la trompe avec une femme qu'on n'aime pas, • Le peintre original procède à la façon des oculistes. • En amour, il est plus facile de renoncer à un sentiment que de perdre une habitude.